REPORTAGE
« POURTANT, TU TOLÈRES CA SUR UN ANIMAL »
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Présentation d’une série consacrée à la maltraitance animale.
Au cours du mois d’août 2015 j’ai eu l’idée de réaliser une série de photo pour sensibiliser sur les maltraitances faites aux animaux. Mais pour être différent, cette sensibilisation se ferait à coup de maltraitance sur… des êtres humains.
Au travers de cette série, j’ai tenté de mettre en scène des individus dans les conditions auxquelles les animaux sont malheureusement trop exposés. Souvent en auto portrait d’ailleurs, à défaut de trouver du volontaire.
La quasi totalité de la série a été réalisée avec un Fujifilm X-T1. La plupart des images ont été prises avec le 23mm f/1.4. Les portraits serrés avec un 60mm macro f/2.4, et les rares plans larges ont été fait avec le 16-55mm f/2.8. Quelques-unes des images ont également été réalisées avec… Le scanner de mon imprimante. Une vieille HP Deskjet 2100.
Concernant la recherche, je voulais quelque chose de sombre, toujours en noir et blanc. Je voulais retirer toutes les couleurs pour ne conserver sur mes planches que des instants, des formes, et des émotions. Je voulais retirer à l’oeil tout risque de perte d’attention à cause des couleurs présentes dans les scènes. Ce choix me permet également de garder en toute circonstance une certaine cohérence dans ma série, quelque que soit le lieu, ou l’heure de la prise de vue.
Pour différencier mes photos d’un noir et blanc « bateau », ou « standard », j’ai créé mon propre preset sous Lightroom, en jouant sur quelques courbes comme la clarté, la netteté, la balance des blancs, les hautes lumières et les ombres. Chaque image étant différente, je devais bien entendu réajuster à chaque fois mais dans l’ensemble, toutes mes images prises en RAW partaient sur la même base.
Le choix de la mise en page a également été une chose importante. Comment et où doit figurer le slogan ? Comment garder une cohérence avec du portrait et du paysage ? Comment faire ressortir le message ?
Ainsi, toutes les photos en paysage ont été inclues dans des images de 6000 par 6000px sur fond noir, et les portraits sur du 5000 par 7500px. Le titre, premièrement testé en filigrane en bas à droite des images, a gagné en visibilité en s’affichant en haut de l’image. Le thème est quand à lui dans un cadre rouge, seule couleur des planches, afin de bien le faire ressortir.
A défaut d’avoir réussi à obtenir le soutien de groupes ou d’organismes, j’ai du réaliser chacune des images par mes propres moyens (techniques et financiers) en rusant de montages, de création 3D pour certains éléments, et d’incrustation. D’un autre côté, c’est peut-être pas plus mal. Si je me plante, je saurais pourquoi, et à qui la faute. Mais d’un autre côté, j’aurais aimé avoir des assistants ou de l’aide à de nombreuses reprises.
Durant ma série, du fait de la complexité des prises de vue, j’ai eu énormément de mal à trouver des volontaires. Déjà parce que d’une part, c’est dur d’en parler ou d’expliquer à quelqu’un ce qu’on va faire quand nous même on a déjà moitié gêné par cette série, mais aussi et surtout à cause d’un profond sentiment de « mal à l’aise ». (Il y a également le fait que j’habite en pleine campagne, et que ceux intéressé sans voiture ne pouvaient pas se déplacer)
La première fois que j’ai commencé par prendre des photos avec quelqu’un, c’était 3 semaines après avoir débuté ma série en solitaire. C’était avec Ambre, pendant environ 2H. J’ai eu l’impression de perdre toute ma créativité en sa présence. Pourtant, j’ai bossé des dizaines de fois avec, sans jamais avoir eu le moindre problème. Là, je n’arrivais pas à prendre la moindre photo. J’ai retenté par la suite l’expérience avec Aude, une modèle venue de Paris le temps d’un week-end pour réaliser quelques clichés, mais pareil. Impossible de réfléchir et de composer pareil.
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En règle général, je travaillais sur des « coups d’inspirations » le week-end. La semaine je notais mes idées, et le weekend soit je réalisais ce que j’avais prévu, soit je faisais au feeling. La photo ci-dessous a d’ailleurs été inspirée suite à une conversation sur Facebook sur laquelle je suis tombée.
Un ami alors en vacances au Vietnam nous a rapporté qu’il était possible d’acheter pour presque rien un petit singe avec un tee shirt et une chaine dans la rue pour l’équivalent de quelques €. Cette remarque n’ayant pas manquée de faire débat sur le réseau social à ce moment là, elle m’a inspirée la photo « Homme à vendre », qui rapporte également à l’esclavagisme.
La réalisation de cette photo n’a pas été facile. Vu que j’étais seul, je devais prendre plusieurs plans différents mais avec des réglages différents. Problème, le bokeh au niveau des cailloux n’était pas le même à f/1.4 (pour avoir la première personne flou) et à f/5.6 pour avoir les deux personnes du fond net). En plus il y avait beaucoup de vent, il faisait froid, bref, j’en avais marre.
La matraque tenue dans la main est d’ailleurs en réalité une… pompe à vélo. Pas trouvé mieux.
Pour une partie de la série, je souhaitais également un rendu « ZOO », avec des visages contre des plaques. Triste, et le regard vide. Mais je suis mauvais acteur, et je n’avais pas de grandes plaques de plexi. C’est donc là qu’est rentré en jeu mon scanner imprimante. Le rendu photo est plutôt cool, la netteté et le piqué sont excellents sur les parties collées à la plaque, et le reste devient progressivement flou jusqu’à très flou après environ 1 centimètre.
Les cadrages du coup très serrés viennent de là, mon scanner étant au format A4, j’étais obligé de me coller pour rentrer dans le champ.
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D’un point de vue technique, ça a été un véritable défi. Comme je le disais au début de l’article, je me suis débrouillé sur tout de A à Z, que ce soit technique ou financier, sans maquilleuse ou assistant lumière. Je n’avais pas non plus de studio ou de bon materiel, et la plupart des photos ont été prises à la lumière du flash de mon iPhone, ou d’une petite lampe détournée.
Pour les auto portraits, je déclenchais… A distance, toujours avec mon iPhone. Je ne vous explique pas la galère. Mon appareil était en wi-fi, et grâce à l’application dédiée, je déclenchais en prenant la pose avec un retardateur de quelques secondes le temps d’éloigner le téléphone du champ. Simple sur le papier, beaucoup moins quand, comme moi, vous êtes myope ET astigmate et que vous enlevez vos lunettes pour la photo. A plus de 30cm, tout ce qui est devant moi et flou. Une fois sur deux, mes cadrages étaient donc totalement hasardeux.
Au passage, pour la petite anecdote : Lorsque je cherchais des chaines et autres accessoires à acheter pas trop cher sur Internet, je suis tombé sur des sites… Vraiment étrange. Je sais donc à présent où aller pour me déguiser en infirmière ultra sexy-zombies, ou un policier habillé en cuir. Mes yeux saignent encore.
Voici d’ailleurs, quelques photos backstage :
A la différence des autres, la photo dénommée « Vivisection » a demandé énormément de logistique. Comme répété plusieurs fois, étant seul, je devais ruser pour mes cadrages. J’ai donc été dans un garage, fait passer la lanière de l’appareil au dessus d’une poutre, cette dernière étant maintenue par mon trépied lui-même en appui sur un escabeau comme le montre la photo suivante :