Comme beaucoup, après les attentats de Janvier 2015 j’ai voulu y aller de mon soutiens. Etant photographe, je me suis demandé ce que je pourrais faire, et je me suis dis que je pourrais tenté de reproduire un symbole en photo à partir de la photo « Raising the Flag on Iwo Jima » de Joe Rosenthal.
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J’ai donc acheté un drapeau français assez grand que j’ai volontairement abimé sur la partie rouge, afin de montrer un certains vécu, des blessures, mais qu’il était là malgré tout. Après avoir cherché des gens à faire poser et ne pas avoir trouvé, je me suis résigné.
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Pour réaliser cette photo, j’avais besoin d’un grand-angle. J’ai donc commandé un Fujinon 18mm f/2 pour mon Fujifilm X-T1, attendu qu’il arrive et le jour même de la réception, j’ai sorti mon FAMAS, mon drapeau, mon gilet balistique, mon X-T1, et un trépied. J’ai cherché un coin duquel je pourrais photographier en contre-plongée, et j’avais effectué 2 jours de repérage pour savoir où serait le soleil pour avoir en plus un contre jour bien prononcé.
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Le « truc » utilisé, c’est que j’ai pris plusieurs fois cette même scène en photo via un retardateur en utilisant mon iPhone comme télécommande afin de poser moi-même, à défaut d’avoir des modèles. C’est pour cette raison que j’avais besoin d’un contre jour, je ne voulais pas qu’on me reconnaisse en étant parfaitement visible, ça aurait, selon moi, tout gâché.
J’ai commencé dans un premier temps par prendre la photo avec le drapeau. Celui-ci a été attaché tant bien que mal à l’un de mes trépieds de flash studio.
Là où c’était compliqué, c’est qu’il n’y avait pas de vent, et j’étais obligé de secouer le drapeau pour avoir un mouvement de celui-ci. Vous me direz « Oui, et alors ? » Et bien vu que l’appareil était à plusieurs mètres de moi, et qu’il y avait du bruit (voitures etc) je n’entendais pas les « tic tic » du retardateur, et je ne savais pas exactement quand la photo allait se déclencher, et vu que je voulais avoir un drapeau bien « tendu »… C’était… tendu, sans mauvais jeu de mots.
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On remarque d’ailleurs sur cette capture d’écran que la grande majorité des photos prises, étaient des essais de drapeau :
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Le deuxième point compliqué, c’était d’avoir quelque chose de cohérent. En effet, si on a un bonhomme qui tient le drapeau à genoux, il faut que les autres autour s’intègrent parfaitement sans se superposer, tout en gardant en plus une exposition (lumière) similaire.
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Mon principal problème, c’était les passants. Ce jour là il faisait beau, pas mal de monde se promenait, et j’étais en train d’agiter un drapeau français déchiré avec un gilet balistique, un casque sur la tête, et un famas dans le dos. Juste après des attentas… On est en droit de ce demander ce qu’il fout là le bonhomme.
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Avec des figurants ça aurait été beaucoup plus simple et surtout rapide mais bon.
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Voici les photos individuelles :
Ci-dessous, je vous propose d’ailleurs une version surexposée en post-production afin que vous puissiez voir ce que cache la sous-exposition volontaire. La barrière en premier plan est loin d’être ce qu’il y a de plus sympa, tout comme un poteau de lumière caché au millimètre près en hors champ.
Au passage, les photos ont été prises vers 16H, quand le soleil était assez haut vis à vis de là où je me situais (caché juste hors champ derrière les arbres à gauche) avec les exifs suivants :
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Fujifilm X-T1 – 18mm – 200 ISO – f/6.4 – 1/250
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J’ai énormément triché pour obtenir le rendu final de cette photo. Encore une fois, c’est uniquement parce que je n’avais pas de figurants, parce que je déteste faire ça. D’une part, c’est une charge de travail considérable (plusieurs heures de retouches) d’autre part on a une photo moins « authentique ».
Les photos ont d’abord toutes été traitées sous Lightroom 5.7. J’ai fait ma première sélection dessus, augmenté les tons sombres en intensité, ajouté un poil de clarté, baisser les hautes luminosité pour garder un peu de détails dans le ciel et ne pas avoir quelque chose de trop « blanc » partout, et rajouter un peu de netteté. Des corrections très minimes en sommes.
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A partir de là, une fois que toutes mes images étaient traitées en RAW sous Lightroom, j’ai exporté celles-ci en .jpeg pour les ouvrir sous Photoshop. Pendant le montage avec ce logiciel, j’ai fignolé les détails, détouré certains « clones » pour les retourner et les mettre sur la droite de l’image, et j’ai également allongé le drapeau afin de ne pas couvrir le corps et la tête de mon clone debout. Au total, 23 calques différents pour un total de 139,2 Mo.
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On remarque bien cette différence de taille en observant le drapeau qui est beaucoup plus près des branches de l’arbre de gauche sur la version finale. J’ai d’ailleurs modifié la forme de ces dernières afin d’avoir quelque chose de plus esthétique, de mon point de vue.
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L’autre avantage du contre jour volontaire, c’est qu’en plus de ne pas voir mon visage, ça me permettait de construire des accessoires. Par exemple, mon clone le plus à gauche a un sac sur le dos avec deux antennes qui dépassent. Celui qui tiens le drapeau à droite, a une caméra sur la tête. J’en ai aussi profiter pour copier/coller ou dupliquer un bras.
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En effet, sur la prise de vue, je pouvais avoir par exemple un bras sur le famas et l’autre en l’air. Sauf que sur le montage, il m’aurait fallu avoir les deux bras en l’air, comme le bonhomme de droite qui tient le drapeau. Ce que j’ai donc fait, c’est dupliqué un bras, changer son orientation, et essayer d’obtenir quelque chose de cohérent.
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J’ai ensuite rajouté un peu de fumée dans le ciel à droite et à gauche, en extrayant celle-ci de cette photo, pour ajouter un petit « + » à l’image.
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La première version donnée était celle ci-dessous.
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Ce que j’ai changé ? J’ai modifié le sac à dos du clone de gauche pour qu’il soit un peu plus gros et fassent d’avantage « sac ». J’ai rajouté une caméra frontale sur le casque du clone de droite tenant le drapeau, et j’ai dupliqué le clone le plus à gauche pour le mettre à droite, je lui ai enlevé un bras, et j’ai également rajouté un sac encore plus gros.
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On voit bien sur l’image ci-dessous l’ajout du personnage sur la droite de l’image.
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J’ai également profité de retravailler cette image pour éclaircir un peu plus le drapeau, afin de gagner en détails. Malheureusement, je n’ai pas réussi à faire partir les marques de pliage du drapeau. Pourtant, je l’ai déplié immédiatement après l’avoir reçu et il est resté pendu deux semaines avant de prendre la photo… La matière faisait qu’il n’était pas non plus repassable.
(Au passage, ça va faire 3mois que je l’ai acheté, et les marques de pliages sont encore là)
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Pour résumer au final :
- Pas de figurants alors qu’il m’aurait fallu 5 personnes
- Pas tous les accessoires (sacs, caméra…) donc travail au pinceau noir sur Photoshop
- Galère à la prise de vue, via le déclenchement par retardateur
- D’importantes retouches en arrière plan pour effacer un arbre et une partie des barrières
- Complications à cause des gens qui passaient
- Nombreuses heures de post-traitement
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Je conçois totalement que la photo n’est pas parfaite, mais compte-tenu de la complexité des conditions de prises de vue, je suis plutôt fier du rendu, et du résultat. Au passage, la photo d’origine, de Joe Rosenthal, a aussi eu 70 ans, le jour où j’ai publié cette photo (double hommage).
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Cet article a initialement été publié sur le site de Studio Raw, mon studio.