Le point sur la liberté de la presse dans le monde
Les événements récents m’ont poussé à l’écriture de cet article que je gardais dans un coin de ma tête depuis un petit moment.
Nous sommes aujourd’hui, jour où je commence à écrire cet article, le Mercredi 7 janvier 2015. En fin de matinée, deux personnes sont entrées armées de kalachnikovs dans les locaux du journal Charlie Hebdo sur Paris, faisant 12 morts et 11 blessés. Parmi les victimes, deux policiers dont un abattu de sang-froid alors qu’il était à terre, et les quatre dessinateurs Charb, Cabu, Wolinski et Tignous.
Avant d’aller plus loin, je vois déjà les interrogations de plusieurs d’entre vous ici. C’est vrai que sur ce site, je parle photo, test matériel, informatique et j’en passe. Mais il ne faut pas oublier une chose, c’est que je suis photographe, et ce site est le meilleur moyen que j’ai pour m’exprimer en ce moment.
Aujourd’hui, je vous propose donc de faire un point sur la liberté de la presse dans le monde.
« On n’arrête pas le progrès » parait-il. Malheureusement, les conflits sont aujourd’hui de plus en plus meurtriers. Les guerres plus violentes, les massacres plus longs, et les dictatures n’ont jamais fait autant de victimes.
La façon la plus efficace de contrôler une population, c’est de contrôler la presse. Si vous êtes maître de l’information et de la diffusion, vous gagnerez à tous les coups. Dans certains pays, comme la Chine, le Soudan ou l’Iran, ne cherchez pas, vous n’êtes pas journalistes, vous êtes « rédacteurs pour l’état ». Tous vos articles sont censurés, et s’ils ne vont pas dans le sens du gouvernement en place, vous « disparaissez ». Je ne parle pas de morts, non. C’est trop doux. Je parle de disparaître pour finir dans une prison et mourir dans le plus grand secret après plusieurs années de torture et d’isolement.
Entre 2010 et 2014, on constate une évolution de la liberté de la presse dans plusieurs pays. Au Royaume Uni ou en Lybie par exemples, la situation s’est aggravée, mais en Chine et au Soudan, ça c’est « un peu » amélioré. Mais ne pensez pas qu’en France c’est mieux. Nous sommes toujours en situation « plutôt bonne » et pourtant…
En 2002, nous étions classés 10ème. Un an plus tard, nous chutions à la 25ème place du classement, et ainsi de suite jusqu’en 2013 où nous tombions à la… 39ème place. Les chiffres de 2014 sont encore inconnus, mais un premier bilan fait état d’une nouvelle chute dans le classement.
Quelques visages derrière le combat.
Dawit Isaak
Raflé en 2001, Dawit Isaak meurt à petit feu dans le centre de détention d’Eiraeiro, où l’on torture les prisonniers en les enfermant dans des containers de quelques mettre carrés dans lesquels les températures peuvent aller de -40 la nuit à 50° en plein jour. Ce journaliste et poète naturalisé suédois était rentré dans son pays pour servir « une Érythrée libre » et ouvrir Setit, un journal aux idées réformistes. Il vient tout juste d’avoir 50 ans.
Que peut-on savoir de l’Erythrée ? De ce qu’il s’y passe ? Pas grand-chose finalement, puisque les journalistes qui pourraient nous en parler sont tous… enfermés, morts ou en exil. Yirgalem Fisseha Mebrahtu, Dawit Isaak, Seyoum Tsehaye font l’objet d’une répression terrible depuis plus de 10 ans. Nombre de leurs collègues ont été assassinés.
L’Erythrée est la plus grande prison d’Afrique pour les journalistes.
Classement mondial de l’Erythrée sur l’échelle de liberté de la presse ? 180/180
Gao Yu
La journaliste de renom Gao Yu, 70 ans, a plaidé non coupable lors de son procès ouvert vendredi 21 novembre 2014. Disparue le 23 avril 2014, la journaliste était réapparue le 8 mai dernier à la télévision, où elle avait dû faire des aveux forcés diffusés par la chaîne CCTV News.
Elle est accusée d’avoir transmis des “secrets d’Etat” à un média allemand auquel elle collabore régulièrement. Objet du délit ? Le « Document n°9 », une circulaire du Parti communiste qui annonçait en 2013 une répression plus intense à l’égard des dissidents et une vigilance accrue vis-à-vis des “concepts occidentaux” jugés dangereux car exportés afin de déstabiliser le régime. De nombreux médias étrangers s’en étaient fait l’écho.
Gao Yu encourt la prison à perpétuité.
Elle a déjà passé 7 années de sa vie enfermée.
La Chine est classée 175ème sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse
Raef Badawi
L’Arabie Saoudite n’encourage pas les débats politiques et sociaux. Raef Badawi, lauréat du Prix RSF, en sait quelque chose.
Ce cyberactiviste, fondateur du site internet Liberal Saudi Network a été condamné le 1er septembre à 10 ans de prison et près de 200 000 euros d’amende. Il est accusé d’“insulte à l’islam”.
Les 1000 coups de fouet auxquels il a aussi été condamné ajoutent la barbarie à l’injustice.
Aujourd’hui, à l’heure où j’écris ces lignes, sa punition a commencé et il reçoit 50 coups de fouet devant la mosquée al-Jafali à Jeddah, peu avant la prière. 50 coups de fouet par semaine, chaque semaine, et ceci pendant 20 semaines, alors que ceci est tout simplement prohibé par le droit international.
L’Arabie Saoudite est classée 164ème sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse.
Et Charlie Hebdo ?
Je suis profondément attristé par les récents événements qui ont frappés la France ces derniers temps. Mais ce qui m’attriste encore plus, c’est cette mauvaise médiatisation, cet « effet de mode » dont certains se servent et je trouve ça vraiment déplorable.
Tout le monde avait déjà entendu parler de Charlie Hebdo pour X ou Y raison. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’ils passent à la télé pour avoir été victimes d’actes contre le journal. Mais très franchement, qui s’en souciait ?
Je me souviens de ce que les gens disaient à ce moment-là. « Ils l’ont bien cherché », ou « en même temps ils jouent avec le feu, c’est bien fait pour leur gueule ». Sauf qu’à présent, ces gens sont morts pour la plupart, et là ça change tout. A présent, les phrases prononcées avant deviennent une apologie au terrorisme et vous envoient en prison, à présent la mode est de mettre « Je suis Charlie » en photo de profil sur Facebook alors qu’avant personne ne s’y intéressait, pourtant leur combat était le même qu’aujourd’hui.
Le problème, c’est qu’on ne s’intéresse vraiment aux gens que quand ils sont morts, que quand il est trop tard. Au contraire, c’est quand ils sont vivant, à même de combattre qu’il faut leur apporter un soutien et ne pas les dénigrer, les insulter, les rabaisser ou pire, les ignorer.
Moi, je ne suis pas Charlie. Je suis Evan. J’ai toujours défendu les valeurs de la liberté de la presse, et c’est pour cette raison que j’ai rejoint RSF il y a plus d’un an. Je n’ai pas attendu les événements de Charlie Hebdo pour sortir dans la rue et crier contre la violence et la liberté de la presse. Il ne faut pas oublier une chose, c’est qu’un combat pour une liberté, ici la liberté de la presse, c’est un combat quotidien. Pas ponctuel selon l’actu du moment.
J’aimerais d’ailleurs vous demander, à vous, jeunes et récents patriotes, que diriez-vous si une jeune fille de 10 ans était kidnappée à la sortie de son école (en France j’entends), qu’un sac de bombes lui était attaché autour du torse et qu’elle serait ensuite lâchée dans une galerie commerciale ou en centre-ville sans savoir ce qui lui arrive ?
« Ça n’arrivera pas » me direz-vous. Certes, peut-être pas en France, mais cet événement vient de se produire, le 10 Janvier 2015 précisément, dans un marché très fréquenté de la ville de Maiduguri, dans le nord-est du Nigeria. Pourtant, qui ici en avait entendu parler ? Pourquoi les morts hors de nos frontières de devraient pas nous révolter tout autant ? Ne serait-ce pas une forme de racisme de ne rien faire justement, sous prétexte que ce n’est pas arrivé à une Française, en France ?
Et du 6 au 8 janvier 2015, à la même période que les attentats de Charlie Hebdo, 2000 personnes ont été massacrés dans ce qui est considéré par Amnesty International comme le plus gros massacre de l’histoire de Boko Haram au Nigéria. En plus des décès, 20’000 personnes sont sans logement, à fuir la mort. 16 villages ont été rasés et encore une fois, personne n’en parle parce que « ce n’est pas en France ».
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Certains m’ont reproché de ne pas m’avoir vu plus impliqué sur les événements de Charlie Hebdo. Mais sachez une chose : Je n’ai pas besoin de changer ma photo de profil Facebook pour me sentir concerné. Pour moi c’est un combat quotidien, pas juste « quand ça arrive en France ». Toutefois, je ne reproche rien à personne en particulier. Chacun agis comme bon lui semble. Je me permets juste de souligner le caractère parfois ridicule et hypocrite de certains qui se servent de ça pour se valoriser, et encore plus de ceux qui critiquent ceux qui comme moi, ne s’affichent pas.
Pour conclure ce chapitre sur Charlie Hebdo, j’aimerais vous faire suivre cette image de Corentin Fohlen (dont le travail est visible ici) prise lors des manifestations sur Paris le dimanche 11 janvier, en soutiens à Charlie Hebdo. Je trouve cette photo excellente sur beaucoup de points.
L’effet de mode
Durant l’écriture de cet article, je suis tombé sur ces deux dessins diffusés ce matin (Mercredi 14 Janvier). L’un de Montagne et l’autre de Péji. Ils parlent de la même chose, la sortie en kiosque du premier numéro de Charlie Hebdo depuis l’attentat de la semaine dernière. Celui de gauche représente bien cet « effet de mode », toutes ces personnes achetant ce journal qu’ils n’avaient jamais acheté avant, et le fait de sembler décalé de la société quand on achète le journal que quelques jours avant tout le monde achetait.
L’illustration de Péji elle, est plus criante encore. Elle représente toutes ces nouvelles personnes soutenant corps et âmes Charlie Hebdo, celles qui se sont levées très tôt pour faire la queue au kiosque du quartier afin de choper un numéro. Stupeur en le lisant, ils découvrent ce qu’est vraiment Charlie Hebdo. Ça illustre bien ce que je disais précédemment, sur « l’effet de mode ».
Enfin, encore un exemple d’exagération dénoncé par plusieurs organismes, la revente à prix d’or de certains exemplaires de Charlie Hebdo sur Internet.
L’exemplaire du milieu, celui datant du 7 Janvier 2015 comptabilise déjà près de 34 enchères pour un montant de 5000€, vous imaginez un peu ? Le mec a payé ça quelques € et profite de la situation pour se faire 5000€. En dessous, le numéro 1057 est pour l’instant à 3010€. J’ai même vu certains exemplaires sur eBay à plus de 10’000€ !
Et en France, en dehors de ça ?
Par « chance » j’ai envie de dire, en France on arrive encore à compter les attentats des 40 dernières années avec ses mains. Contrairement à certains pays où ils ont en un an (voir moins) ce que nous, nous avons en plusieurs décennies, il ne faut tout de même pas oublier ces événements qui ont traumatisés les Français à l’époque.
Comme on le constate sur le schéma de l’AFP ci-dessus, l’attaque contre Charlie Hebdo est la première visant un groupe de journaliste. Pour ma part, étant né en 1991, je n’avais jamais entendu parler des différents attentats (en dehors de celui de 2012). Peut-être que le programme scolaire devrait au moins en parlé, un chapitre sur le terrorisme en France ne ferait sans doute pas de mal. Après tout, ça fait aussi partie de notre histoire.
Mais revenons-en aux journalistes.
Comme je vous disais plus tôt, les conflits étant de plus en plus meurtriers, les armes plus facile d’accès et les dirigeants des gouvernements plus fermes contre les journalistes afin de ne pas laisser filtrer d’information, il devient de plus en plus compliquer de faire correctement son travail. Du moins, d’en sortir vivant et libre.
Ci-dessous, un bilan réalisé avec les chiffres de fin 2014 sur la situation des journalistes.
Il y a actuellement 119 kidnappés, 66 tués, et 178 en prison. Et ces chiffres ne contiennent pas les photographes indépendants partis sur le terrain, uniquement les journalistes. Les chiffres seraient bien plus lourds s’ils étaient pris en compte.
Et combien ça fait ?
« Au rythme où on tue les journalistes, il faudra bientôt aller chercher l’information soi-même »
On observe en effet une baisse du nombre de journalistes tués ces dernières années. En revanche, la hausse du nombre d’enlèvements est impressionnante.
A l’image de James Foley, décapité par l’état Islamique le 19 août 2014 et d’Hervé Gourdel, kidnappé et également décapité le 24 septembre 2014 par « l’armée du Califat », les assassinats sont de plus en plus nombreux, et je ne serais pas surpris de voir les chiffres d’exécutions encore augmenter en 2015.
D’ailleurs, je ne sais pas si vous avez remarqué. Mais en cas de décès, on en veut au journaliste/photographe d’avoir été là, on en veut à l’état de ne pas avoir réagi suffisamment vite, ainsi qu’aux autorités locales de pas avoir assuré la défense, mais jamais aux terroristes, pourtant 100% coupable, de la mort du concerné.
Mais pourquoi cette haine en France ?
Je ne suis pas raciste. Mon médecin depuis 10 ans s’appelle Abderrahmane, j’ai des collègues musulmans, et quand j’étais en étude je me suis toujours bien entendu avec les personnes de couleur/religion/sexualité différentes dans ma classe ou dans l’internat que je fréquentais.
Le problème, c’est que beaucoup de personnes usent et profitent de la situation. Combien de fois j’ai pu entendre au lycée ou dans la rue des jeunes (ou moins jeune) d’origine Arabe, Turc, ou autre, sans parler de personnes de couleurs dirent « azy c parcke jsui noir batar putin draciste » ou « raciste de merd tu di sa parke jsui arabe boufon ».
Au final, ce sont tous ces abus qui, selon moi, causent la plupart des amalgames entre les musulmans, les arabes, l’islam et les radicalistes. En effet il ne faut pas tout mélanger. Mais comment apprendre à faire la part des choses lorsque vous vivez dans un quartier où il y a 15 kebabs et que des jeunes d’origine arabe cassent et volent en criant sans arrêt « Allahu akbar ». On peut lancer la pierre aux racistes ou à ceux que les étrangers dérangent, mais personne ne nait raciste. On le devient.
Il faut simplement s’intéresser au pourquoi du comment. Pourquoi ces gens-là sont-ils racistes ? Pourquoi ont-ils des préjugés ? Et en face, pourquoi ces jeunes d’origine Arabe ou autre font ça ?
Je pense qu’avant d’accuser quelqu’un de racisme (qui est quand même une accusation grave) il faut au moins se pencher deux minutes sur la situation.
Pour moi un jeune qui fait une connerie ce n’est pas un « putain d’arabe », c’est pas « un noir », c’est pas « un putain d’islamiste ». C’est juste un branleur qui fait une connerie. Qu’il s’appelle Pierre, Julien, Abdoul ou Mohamed ça change rien, un jeune est un jeune, une connerie est une connerie, et une baffe de l’un des parents, ça remet toujours les idées en place.
En fait quand on était gosse, y’avait pas de rebeu, de renoi, d’arabe, d’islamiste, de chintok et j’en passe. Y’avait nos potes, ceux qui venaient nous chercher à vélo le mercredi après-midi, et les autres, que nous ne fréquentions pas. C’est tout. J’ai surtout l’impression que le racisme actuel, cet aspect de racisme « moderne », comme on pourrait l’appeler, est en fait une évolution récente accentuée par les attentats de ces dernières années.
Les gens sont aujourd’hui trop sensibles. Ils ne réfléchissent pas, ne prennent pas la peine d’analyser, de comprendre, d’observer. Ils passent directement « constat -> critique » sans chercher deux minutes. C’est un fait valable pour tout, pas qu’en religion. Les forums sont pollués de gens agressifs et insultants. Même moi, sur ce site ou bien sur ma chaîne YouTube il y a des centaines de commentaires de personnes comme ça, qui vont prendre un extrait hors contexte de l’un de mes propos, et vont le déformer et m’insulter. Finalement, je débats 20 minutes avec eux, et ils admettent d’eux même qu’ils n’ont pas réfléchi et qu’ils sont désolés (pour certains, d’autres se contentent de ne plus répondre ou de ne jamais admettre).
Cette mentalité est désolante. Les gens sont simplement trop simplets pour la plupart je pense. Ils ont perdu cette capacité à réfléchir d’eux-mêmes.
Comment éviter les amalgames ?
Alors certes, je suis français. Je ne vais pas tenter d’excuser mes compatriotes ou qui que ce soit, mais je pense que prendre deux secondes pour faire un point serait une bonne chose.
Qu’est-ce qu’un musulman, qu’est-ce qu’un arabe, qu’est-ce qu’un islamiste ?
Trop souvent induit en erreur par les médias, voici un schéma simple :
- Musulman : Qui suit la religion nommée Islam.
- Arabe : Qui vient d’un pays arabe.
- Islamiste : Extrémiste suivant l’Islam.
En plus des médias, le réel problème vient surtout… des terroristes. En réalité, dans la mesure où chacun prétends pratiquer le « vrai » Islam, c’est un peu compliqué de s’y retrouvé. Quand les terroristes « terrorisent », qu’ils commettent un acte de barbarie, ils disent agir au nom de l’Islam, après avoir suivi le Coran. Sauf que nous, Français mal éduqué d’un point de vue religion, quand on va dans la rue chercher son pain et qu’on croise des arabes sortant de la mosquée parlant d’Islam, on les imagine terroriste, alors que pas du tout en fait.
Ce sont des gens qui en réalité condamnent autant que vous et moi les actes de barbaries des terroristes. Peut-être même plus, parce qu’eux sont continuellement menacés, insultés, et dévisagés dans la rue. Ce sont des victimes, et je trouve ce manque de respect envers eux vraiment dommage.
Enfin dernier exemples plus concret, nous sommes en France dans un pays catholique. (Oui, c’est pour ça qu’il y a des églises partout). Un français est-il donc catholique ? Ou un catholique est-il donc français ? Je pense qu’à présent c’est clair, et que vous ne pourrez plus vous tromper.